Qui est responsable en cas d’accident en voiture autonome ou de simple infraction ? La question a émergé dès que les premiers essais de conduite sans intervention humaine sont apparus. Est-ce le conducteur ? Le constructeur automobile ? L’entreprise ayant conçu le système de bord, s’il a été externalisé ? Le prestataire qui a fourni les pièces pour la détection de l’environnement, comme les capteurs ?
Ces réflexions viennent de faire l’objet d’un éclaircissement juridique, avec la parution ce jeudi 15 avril au Journal officiel d’une ordonnance (n° 2021-443) relative au régime de responsabilité pénale applicable en cas de circulation d’un véhicule à délégation de conduite — en clair, un véhicule qui est partiellement ou totalement autonome — et à ses conditions d’utilisation sur la voie publique.
Ce texte, présenté en Conseil des ministres le 14 avril 2021, fixe notamment la responsabilité des uns et des autres — automobiliste, constructeur, concepteur des systèmes embarqués — en fonction des circonstances survenant sur la route et des conditions de circulation, par exemple si le système de conduite automatisé est opérationnel au moment où une infraction au code la route est commise.
La responsabilité du conducteur écartée dans certains cas
Ainsi, une règle en matière de circulation dit que le conducteur doit rester maître de son véhicule. De cette règle découle un article du code de la route, le L121-1, qui dit que « le conducteur d’un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule ». Or, peut-il l’être encore si la gestion des manœuvres n’est plus de son fait ?
Dans ces conditions, l’ordonnance vient compléter le code de la route expliquant que cette disposition, sur la responsabilité pénale du conducteur, n’est pas applicable « pour les infractions résultant d’une manœuvre d’un véhicule dont les fonctions de conduite sont déléguées à un système de conduite automatisé, lorsque ce système exerce, au moment des faits […] le contrôle dynamique du véhicule ».
Aujourd’hui, la conduite autonome est assez peu avancée, malgré les annonces parfois grandiloquentes de l’industrie automobile. Il s’agit essentiellement d’assistance à la conduite — certains constructeurs proposent des fonctions plus avancées, pour que l’automobiliste délègue davantage de tâches dans certaines circonstances. De façon générale, les véhicules se situent entre le niveau 1 et 2.
Cependant, cela fait maintenant dix ans que les annonces se succèdent sur ce terrain et les progrès en matière d’automatisation de la conduite se perçoivent dans le temps. Dès lors, il est nécessaire que la législation évolue pour accompagner le mouvement, qui va se poursuivre et s’accentuer dans les années à venir. Certaines prédictions disent d’ailleurs qu’en 2040, le permis de conduire ne sera plus utile.
Cette ordonnance s’inscrit d’ailleurs dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, qui est en vigueur depuis la fin 2019. Son article 31 autorise le gouvernement à prendre par ordonnance, avant fin 2021, toute mesure permettant d’adapter la législation à l’arrivée des « véhicules terrestres à moteur » autonomes sur la voie publique, mais aussi pour fixer le régime de responsabilité applicable.
L’automobiliste doit rester alerte
Le texte exige néanmoins, malgré ce qui est dit pour la responsabilité du conducteur en cas de conduite automatique, que celui-ci « doit se tenir constamment en état et en position de répondre à une demande de reprise en main du système de conduite automatisé ». Il doit être vigilant et réactif — d’ailleurs, les véhicules incluent des rappels exigeant d’avoir les mains sur le volant.
Par ailleurs, sa responsabilité est de nouveau engagée « dès l’instant où il exerce le contrôle dynamique du véhicule à la suite d’une reprise en main de celui-ci », s’il « ne respecte pas les sommations, injonctions ou indications données par les forces de l’ordre ou les règles de priorité de passage des [véhicules de secours] », ou s’il échoue à reprendre en main son véhicule, alors que le système de bord l’avait prévenu.
L’ordonnance énonce par ailleurs que c’est le constructeur du véhicule qui est pénalement responsable des délits d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne, fondés sur diverses dispositions du code pénal, quand il est établi une faute « pendant les périodes où le système de conduite automatisé exerce le contrôle dynamique du véhicule conformément à ses conditions d’utilisation ».
C’est le même régime de responsabilité en cas d’une infraction au code de la route : si des règles de conduite sont enfreintes, le constructeur automobile est redevable de l’amende encourue. Ce régime s’applique là encore « lorsqu’une manœuvre effectuée par le système de conduite automatisé exerçant le contrôle dynamique du véhicule conformément à ses conditions d’utilisation ».
L’établissement de cette responsabilité pénale peut ne pas être évident sans un accès aux données du dispositif d’enregistrement des données d’état de délégation de conduite. Là encore, le texte règle la question en précisant qui peut accéder à quoi, quand et dans quelles circonstances, selon les situations (accident de la circulation ayant causé un dommage corporel, contraventions).
Selon le gouvernement, cela « constitue une avancée majeure pour le développement de la mobilité routière automatisée, et notamment pour le transport public et partagé, qui constitue le cas d’usage le plus prometteur à court terme ». L’exécutif estime même se placer ainsi « en tête des pays ayant d’ores et déjà préparé un cadre au déploiement de la mobilité automatisée ».
L’ordonnance, ajoute le compte-rendu du Conseil des ministres, « concrétise l’engagement du président de la République et du gouvernement de faire de la France un leader mondial du véhicule et des services de mobilité routière automatisés », en référence à un calendrier général qui a été présenté en 2018. Elle prépare aussi le terrain pour « les systèmes les plus hautement automatisés », censés arriver en 2022.
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