« Il y a 20 ans, on nous a poussés à acheter du diesel, maintenant de l’électrique. Et dans 15 ans, ils nous diront quoi pour nous faire acheter de nouvelles voitures ? Tout ça, c’est artificiel.» À écouter ce couple de retraités, le sujet est épineux. Autonomie, tarif des véhicules, pollution des batteries… La voiture électrique, ils n’y sont pas favorables.
Le salon de l’automobile de Lyon, du 7 au 11 avril 2022, était un environnement propice pour aller au contact de personnes intéressées par les voitures, et d’en profiter pour prendre le pouls d’un sujet comme les véhicules électriques.
Au détour des stands de l’événement, et face à des modèles 100 % électriques, largement mis en valeur par l’organisation du salon, nous avons interrogé des visiteurs et visiteuses. Des couples de retraités ou d’actifs, des femmes seules, des hommes seuls, des petits groupes d’amis, notre objectif était de recueillir à chaud leur avis sur la voiture électrique. L’occasion pour nous de lister les principaux freins à l’achat, énoncés par ce panel de visiteurs.
L’autonomie : le blocage systématiquement cité
Même si les voitures électriques offrent de plus en plus d’autonomie, cette caractéristique reste la première limite citée par les personnes interrogées, généralement peu enclines à passer à l’électrique : « Je n’ai pas encore confiance dans l’autonomie. Trop de contraintes », a-t-on entendu plusieurs fois. Les seules personnes à ne pas avoir parlé de la limite de l’autonomie sont celles qui ont… déjà cédé à l’électrique, que ce soient des propriétaires de Zoé ou de Tesla.
Deux amis, qui roulent tous les deux en Dacia (thermique), se sont aussi démarqués, alors qu’ils observaient la Dacia Spring sous toutes les coutures, l’un d’eux a lancé, plutôt clairvoyant : « Il faut acheter le véhicule qui correspond à 95 % de ses déplacements. » Lui serait prêt à garder son Duster diesel actuel pour les 5 % des trajets restants, c’est-à-dire les quelques fois dans l’année où la voiture sert à faire des grandes distances.
On a tenté de savoir à partir de quel kilométrage d’autonomie ce frein pourrait être levé. 300 km ? 500 km ? Les fameux 1 000 km dont même Elon Musk peine à voir l’utilité ? Les visiteurs et visiteuses étaient peu nombreux à avoir réfléchi à la question de manière chiffrée, à l’exception de ce propriétaire de Renault Zoé, qui a conservé un véhicule thermique dans le foyer : « Entre 500 et 700 km d’autonomie réelle, ça serait bien pour abandonner le diesel principal, mais ça sera peut-être avec de l’hydrogène plutôt qu’une électrique.»
Un paradoxe, car en discutant avec des personnes à côté de Citroën AMI, qui n’a que 75 km d’autonomie, la plupart des gens trouvent qu’il s’agit d’une performance suffisante pour cette petite voiture sans permis, pour des trajets urbains.
Derrière la critique du manque d’autonomie des voitures électriques se cache souvent bien d’autres craintes sur l’usage même du véhicule. En seconde voiture, le débat est plus ouvert, mais comme véhicule principal, il y a encore des blocages. Globalement, les gens ont peur de l’inconnu.
En appartement, la recharge d’une voiture reste le plus gros souci
Qu’ils vivent en maison individuelle ou en appartement, l’approche de la recharge ne soulève pas les mêmes problématiques pour tous. L’absence d’accès à une prise ou une borne, pour ceux vivant en appartement, est un point souvent bloquant pour passer au véhicule électrique, mais aussi pour un hybride rechargeable.
« Je ne peux pas recharger chez moi. En campagne, on manque de points de charge hors domicile », nous confie cet un artisan, pour qui devoir passer à l’électrique poserait un problème de taille. Il roule au quotidien en utilitaire, vit en station dans les Alpes et il ne peut pas se garer chez lui à cause du gabarit de son véhicule. Même si des utilitaires existent en électrique, ce n’est pas pour lui.
Si certains habitants d’appartement disposent de places de parking, où il y aurait moyen de faire installer une prise, ils craignent la galère de devoir faire appliquer le droit à la prise par la copropriété. « Pour le moment, la copropriété ne veut pas, mais on va finir par y arriver ! À ce moment-là, on verra », nous expliquait un couple de retraités plutôt favorables à l’électrique, leur petite-fille ayant même une Citroën AMI. Mais eux n’envisagent pas l’achat, tant qu’ils ne pourront pas recharger à domicile.
Pour une femme rencontrée devant un Opel Mokka-e, c’est encore plus compliqué : « Il faudrait des bornes au moins dans toutes les stations essence, avec des recharges courtes.» Au quotidien, elle se gare dans la rue. Sa ville est encore peu équipée en bornes et elles sont loin de chez elles. Pas de solution non plus sur son lieu de travail ; c’est donc pour le moment une fin de non-recevoir pour l’électrique.
Dans de nombreux cas, ce sont finalement les véhicules hybrides (non-rechargeables) qui remportent l’approbation de ces acheteurs. Certains attendent aussi le développement de l’hydrogène comme alternative.
Pour finir sur le chapitre de la recharge, une crainte répandue est de manquer de bornes disponibles pour ses longs trajets, et notamment hors trajet autoroutier : « Je n’ai pas l’impression que ça bouge pour l’installation des bornes, ni sur autoroutes, ni sur route nationale ». C’est aussi l’attente lors des départs en vacances qui inquiète particulièrement celles et ceux qui ne sont pas encore passés à l’électrique. Aucun n’a souligné, par contre, le coût de la recharge comme un frein possible.
La pollution des batteries
Spontanément, la problématique du recyclage des batteries, de sa composition, de sa provenance (la Chine) et de la pollution sur tout le cycle de vie des véhicules électriques ont été cités par de nombreuses personnes rencontrées.
« Les batteries qui ne sont pas pensées pour être recyclées, c’est bien, mais on ne sait pas quoi en faire après. On les enterre, aussi ? » réagissait la femme d’un couple de retraité, avant de préciser : « Je suis pour l’écologie, mais pas n’importe comment, tout cela semble tellement illogique. »
Certains vont beaucoup plus loin, jusqu’à y voir qu’une manipulation politique : « On veut à tout prix nous forcer à passer à l’électrique, comme on nous a poussé vers le diesel », réagissait un commercial.
Le sujet de la pollution des batteries demeure, encore aujourd’hui, un des axes d’amélioration pour tous les acteurs de la filière, puisqu’il reste spontanément cité comme un frein majeur pour les automobilistes. Il est toutefois erroné d’affirmer que les voitures électriques sont aussi polluantes que les thermiques : leur impact sur la réduction d’émission de CO2 dans l’atmosphère est très important et n’est pas remis en cause. La question du recyclage des batteries est en revanche importante, et l’industrie n’a pas encore trouvé de solution durable à ce jour.
« Un véhicule électrique, c’était minimum 100 € de plus par mois. Je ne peux pas. »
Le prix élevé des véhicules électriques est la dernière barrière qui a été citée par nos interlocuteurs — même par des propriétaires de Zoé électrique ! « J’en suis à ma deuxième Zoé d’occasion, mais pour faire des longues distances, on aimerait bien pouvoir troquer le diesel de l’autre véhicule pour rouler en Tesla, mais ce n’est vraiment pas dans nos budgets. »
Seule l’atypique AMI de Citroën est considérée abordable, avec son tarif inférieur à 7 000 €. L’affichage des prix des véhicules exposés dans le hall d’accueil dédié aux véhicules électriques fait à l’inverse s’étrangler quelques visiteurs. « C’est beaucoup trop cher, même à la location », nous confie un autre retraité. « Je me suis renseigné au moment de choisir mon dernier véhicule, mais un électrique, c’était minimum 100 € de plus par mois. Je ne peux pas.»
« Quand les prix des voitures électriques seront les mêmes que ceux du diesel, on pourra en rediscuter », a-t-on également entendu. Mais aussi : « Entre 15 000 € (pour la Dacia Spring) et 35 000 €, il n’y a [quasiment pas de modèles de voitures électriques] ». La seconde affirmation n’est pas tout à fait exacte, puisqu’il existe des véhicules électriques dans cette tranche de prix, mais ils sont en effet rares. Les gammes des constructeurs se sont surtout développées sur des modèles plus haut de gamme, pas toujours à la portée de tous les acheteurs. Difficile de ne pas abonder dans le sens des personnes que nous avons rencontrées.
Des efforts de pédagogie à faire
Ces deux dernières années, les salons automobiles ont été mis à l’arrêt par la pandémie de coronavirus. Cette édition sera un bon baromètre des tendances d’achat. Ce retour du salon de Lyon, à quelques mois du Mondial de l’auto de Paris, a été l’occasion pour les constructeurs d’exposer des nouveautés électrifiées, et même des avant-premières. Au-delà de la vitrine que le salon offre, ce salon automobile de Lyon attire tout spécialement de potentiels acquéreurs.
En moins de deux heures, certains constructeurs avaient déjà signé quelques bons de commande de voitures électriques. Le stand Tesla n’a pas désempli, signe que les mentalités commencent doucement à évoluer. S’il n’est pas toujours évident de s’y retrouver face à l’offre actuelle, les indécis peuvent en profiter pour avoir un bon panorama des véhicules disponibles. Venu sur le salon pour acheter un véhicule hybride, un visiteur en chaise roulante nous disait : « Je passerai à l’électrique quand ils démonteront les pompes à essence des stations-service. »
Si l’hybride semble être le grand gagnant de nos échanges sur notre panel, l’électrique semble quand même progresser. Cela n’empêche pas d’entendre toujours quelques remarques négatives : « Je n’aime pas l’électrique, ça ne fait pas de bruit », « Les calandres pleines des électriques sont bizarres », « Je n’aime pas leur design » ou le classique : « L’automobile, c’était quand même mieux avant. »
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