« Nous ne nous laisserons pas dépouiller de notre patrimoine au profit d’une grande entreprise, quand bien même celle-ci serait sympathique, importante ou américaine » avait lâché Nicolas Sarkozy au sujet du projet de numérisation et d’indexation des œuvres littéraires sur Internet. « Nous n’allons pas laisser ce que des générations et des générations ont produit en langue française être ainsi récupéré, juste parce que nous ne serions pas capable de financer notre propre de numérisation » avait-il alors poursuivi, ciblant évidemment Google sans jamais toutefois le nommer.
L’hostilité à l’égard des projets – ambitieux – de Google n’est pas nouvelle en Europe. L’année dernière, plusieurs personnalités politiques françaises et allemandes ont affiché une méfiance plus ou moins prononcée envers le projet de numérisation porté par la firme de Mountain View. Comme nous l’écrivions alors, cela avait débuté avec la ministre de la justice allemande en septembre dernier, Brigitte Zypries, rapidement rejoint par Frédéric Mitterrand. Un mois plus tard, ce fut au tour de la chancelière allemande Angela Merkel, de s’exprimer sur le sujet.
Il incomberait donc à la France et à l’Europe de s’occuper de la numérisation. Certes, mais encore faut-il avoir les moyens de ses ambitions. Et cette hostilité envers Google a trouvé rapidement ses limites. Et c’est le rapport Tessier qui le souligne, en évoquant un partenariat spécifique public-privé avec le géant américain, permettant un « échange équilibré de fichiers numérisés, sans clause d’exclusivité« .
La numérisation du patrimoine est l’un des deux chantiers majeurs qui sera mis en place à travers une enveloppe de 4,5 milliards d’euros dédiée à l’économie numérique. Pour ce faire, 750 millions d’euros seront alloués à cette tâche, enjeu national pour barrer la route à Google. Et pour y parvenir, le rapport préconise de s’appuyer sur Gallica, la la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France. Pour l’heure, cette plate-forme propose 980 000 documents numérisés, dont 145 000 livres.
Regroupant différents autres acteurs, comme les bibliothèques ou les éditeurs, cette structure doit permettre l’émergence d’un « modèle alternatif à celui de Google Livres pour les œuvres françaises et francophones« , à travers une « plate-forme qui à la fois réunira et développera les forces de ce qui existe déjà et offrira des services nouveaux » a déclaré Frédéric Mitterrand. Cependant, il n’est nullement question ici d’en faire un support exclusif.
Et tandis que le ministre de la Culture et de la Communication doit se rendre à Mountain View dans les prochaines semaines, rappelons que Google a a déjà numérisé près de 10 millions de livres, dont un million appartenant désormais au domaine public. Par ailleurs, Google a signé un partenariat avec près de 20 000 éditeurs différents. Cet « échange équilibré » risque en revanche de ne pas intéresser énormément l’entreprise américaine, puisque la plupart des ouvrages numérisés ne sont pas francophones…
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