Selon plusieurs documents publiés par le site Recording Industry vs The People, la RIAA a déboursé énormément d’argent entre 2006 et 2008 pour poursuivre les pirates suspectés de télécharger des contenus protégés par les droits d’auteur. Sur trois ans, la Recording Industry Association of America a ainsi dépensé pas moins de 64 millions de dollars en frais de justice.
Concrètement, les dépenses se répartissent ainsi : en 2006, la RIAA débourse pas moins de 22,6 millions de dollars pour un « retour sur investissement » de 445 000 dollars, à travers les amendes notamment. L’année suivante, l’association chargée de défendre les intérêts de l’industrie du disque remet le couvert en payant 24,5 millions en frais d’avocats, pour ne récupérer « que » 515 929 dollars.
Pour la dernière année, la RIAA ne débourse que 17,6 millions de dollars, pour un montant récupéré de 391 000 dollars. Au total, cela représente une dépense de 64 millions de dollars sur trois ans pour une somme récupérée de 1,36 million de dollars. Une affaire pas rentable ?
Si l’on regarde l’écart entre l’argent déboursé et les sommes récupérées, on remarque que l’année 2008 a été la moins catastrophique pour la RIAA, avec un écart d’environ 17,2 millions de dollars, contre des écarts entre 22,5 et 24 millions de dollars pour les années précédentes. Cependant, les sommes investies en 2008 sont également moins élevées.
Si beaucoup considéreront que ces dépenses sont le signe clair que la lutte anti-piratage est un simple gouffre financier, la RIAA n’a évidemment pas la même lecture de la situation. Pour l’association américaine, l’analyse anti-piratage ne peut pas se faire uniquement à travers le prisme financier. D’autres éléments sont à prendre en compte, et la RIAA compte bien le faire savoir.
Dans un entretien accordé à Torrentfreak, le vice-président senior de la communication chez la RIAA est venu apporter un autre regard sur ces données. « Avant de se lancer dans les procès, nous avons établi des campagnes éducatives pendant plusieurs années. Publicités, avertissements dans les magazines, mises en garde des artistes » a rappelé Jonathan Lamy. « Nous avons fait des efforts considérables pour rappeler les fans à la loi. Cela fait une petite différence« .
Or, il ne suffit pas de rappeler la loi aux contrevenants ; il faut aussi l’appliquer dans toute sa sévérité, selon Jonathan Lamy. Car sans cette menace du bâton, il aurait été bien difficile d’avoir une quelconque influence sur le comportement des internautes. D’où les nombreux procès contre les internautes américains suspectés d’enfreindre le droit d’auteur, afin d’envoyer un message clair à tous.
Et Jonathan Lamy de faire un parallèle avec les forces de police : « pensez-vous que les personnes ne vont pas accélérer s’il n’y a pas de policiers ? Vous ralentissez plus souvent parce que vous pensez que vous pouvez être attrapé« . De la même façon, la RIAA pense qu’en traquant les internautes indélicats avec le droit d’auteur, cela va inciter les autres à y réfléchir à deux fois.
Pour la RIAA, le vrai retour sur investissement n’est donc pas d’ordre financier, mais plutôt d’ordre comportemental. En effet, la Recording Industry Association of America est convaincue qu’en ayant mis sous pression les internautes, ces derniers sont désormais moins enclins à se jeter sur les réseaux peer-to-peer pour échanger des contenus copyrightés. Dans ces conditions, cela vaut tous les remboursements du monde, à en croire Jonathan Lamy.
En effet, ces nombreuses actions judiciaires ont été largement relayés et commentés par les médias et les internautes eux-mêmes, notamment sur les forums de discussion ou les canaux IRC. Pour la RIAA, cela a permis d’avoir un plan média très puissant, qui n’a finalement coûté « que » 64 millions de dollars sur trois ans, pour un impact très important, à la fois aux Etats-Unis et à l’étranger. Sous cet angle de vue, cela ne semble pas si cher payé.
Cependant, il y a un revers à la médaille. Si la RIAA a profité d’une importante couverture médiatique, l’acharnement judiciaire a définitivement coupé l’association de nombreux internautes. Quelques affaires ont d’ailleurs fait polémique, comme par exemple le cas de la famille d’un internaute décédé, d’une grand-mère accusée de télécharger du rap, d’une adolescente de 13 ans, mais aussi une mère célibataire et d’un étudiant condamné à payer 675 000 dollars parce qu’il avait téléchargé 30 chansons.
Devant ce clivage toujours plus profond, la RIAA a alors mis fin elle-même à cette tactique fin 2008, en stoppant les poursuites des internautes devant les tribunaux. À la place, l’association est désormais favorable au principe de la riposte graduée, en poussant la mise en place d’un dispositif permettant de couper la connexion d’un internaute en cas d’infractions répétées.
Rappelons également qu’en France, la Haute Autorité doit commencer à se mettre en branle à la rentrée prochaine. Les ayants droit, qui espèrent atteindre un rythme de 50 000 adresses IP relevées par jour, risquent fort d’être confrontés au même défi que la RIAA : mobiliser beaucoup de moyens pour tenir ces objectifs.
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