C’est une sortie de route inattendue pour la riposte graduée britannique. Votée par la Chambre des Lords en avril dernier et entrée en vigueur au mois de juin, la Digital Economy Act pourrait peut-être être suspendue par la Haute Cour du Royaume-Uni. C’est pourtant cette loi qui instaure le principe de la riposte graduée outre-Manche, avec la suspension de l’accès à Internet aux internautes accusés d’avoir enfreint les droits d’auteur par trois fois.
Relayé par un message de l’eurodéputée Françoise Castex sur Twitter, l’article de la BBC explique que l’arrêt temporaire de la Digital Economy Act fait suite à un recours formulé par deux fournisseurs d’accès à Internet locaux, British Telecom (BT) et TalkTalk. L’intervention de la Haute Cour va conduire à la révision du texte afin d’en vérifier la légalité.
« La loi a été votée à la sauvette avec seulement 6 % des députés présents lors du débat et elle comporte de graves lacunes » a souligné Andrew Heaney, le directeur de la stratégie et de la régulation chez TalkTalk. Une situation qui n’est pas sans rappeler le vote en catimini de la loi Hadopi l’an dernier, avec à peine seize députés présents dans l’hémicycle.
« Les mesures qui cherchent à réduire le partage illicite de fichiers sont injustes, ne marchent pas et vont potentiellement fragiliser la vie privée de millions d’abonnés innocents qui n’ont violé aucune loi » a-t-il ajouté. Un juge aura jusqu’au mois de février 2011 pour examiner la loi, afin de vérifier en particulier si aucune disposition n’enfreint la directive européenne sur le commerce électronique.
Les fournisseurs d’accès à Internet peuvent en effet se protéger juridiquement grâce à cette directive, qui ne les rend pas responsables des actions entreprises par leurs abonnés. Ils ne sont donc pas fautifs des échanges illicites réalisés par certains internautes. Les sanctions mises en œuvre dans la loi suscite la controverse. Fin septembre, Tim Berners-Lee avait jugé « inopportune » la suspension de la connexion.
Chez les ayants droit, la décision de la Haute Cour est évidemment malvenue. Dans un communiqué, la British Phonographic Industry juge décevant de voir « un couple de FAI chercher à contrecarrer et à résister à toute mesure prise pour réduire le partage illégal de fichiers sur leurs réseaux« .
« Nous continuons à croire que leur cause est mal fondée et va échouer. La loi reste en vigueur et nous continuerons à travailler avec le gouvernement, l’OFCOM (le régulateur britannique des télécoms, ndlr) et d’autres parties pour la mettre en œuvre » a poursuivi le communiqué de l’association interprofessionnelle en charge des intérêts de l’industrie du disque au Royaume-Uni.
Il n’est pas sûr néanmoins que les ayants droit puissent compter absolument sur le gouvernement britannique. En effet, celui-ci a indiqué que ses pouvoirs dans le cadre de la Digital Economy Act n’incluront pas la déconnexion des abonnés suspectés d’avoir enfreint la propriété intellectuelle. Cette réponse fait suite à une pétition ayant réuni plus de 35 300 signatures et réclamant l’abolition de la suspension de la connexion tant qu’un procès équitable n’est pas garanti.
L’Open Rights Group (ORG) a néanmoins considéré que la réponse du gouvernement était insuffisante. « Le gouvernement cite des estimations discréditées de l’industrie du divertissement pour justifier la mise en place d’une législation dangereuse et disproportionnée et rejette l’opinion de 30 000 citoyens. Pendant ce temps, l’industrie génère plus d’argent que jamais. Les profits en ligne sont en hausse » a expliqué à ZDnet UK le directeur exécutif de l’ORG
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