Les logiciels propriétaires n’ont décidément plus le vent en poupe. Depuis quelques années maintenant, on assiste en effet à un vrai élan migratoire vers des solutions libres, réputées plus sûres, plus évolutives et surtout moins onéreuses. Et ce phénomène n’est pas seulement localisé en Europe ou dans n’importe quel autre pays industrialisé. Que ce soit en Inde, au Brésil ou en Indonésie, de nombreuses initiatives autour des logiciels libres se mettent en place.
Même chose pour la France, avec le déploiement de Linux à l’Assemblée nationale et dans la gendarmerie (et ses 70 000 ordinateurs). Si plusieurs raisons ont été avancées pour justifier l’utilisation de la distribution Ubuntu, la première fut bien évidemment économique : « avec les logiciels libres, nous n’avons pas eu à passer de marché public sur toutes les couches. 70% sont en logiciels libres et nous économisons donc à ce jour 700 000 licences de 25 à 300 euros l’unité. Lorsque, chez nous, nous déployons un logiciel à 100 euros/poste, c’est un budget de 7 millions d’euros ! Le logiciel libre est donc pour nous une manière de participer à la baisse du coût total de possession de notre parc informatique » avait alors expliqué le colonel Nicolas Géraud à CIO-Online.
Mais tous ne sont pas ravis de cette situation. À commencer par l’International Intellectual Property Alliance (IIPA), une coalition d’organisations dont l’objectif premier est de défendre les intérêts des industries américaines dont l’activité repose sur la propriété intellectuelle. Certains des membres de cette alliance sont d’ailleurs bien connus des internautes : la RIAA, la MPAA, la BSA (Business Software Alliance) ou encore l’ESA (Entertainment Software Association).
Selon Andres Guadamuz, un professeur de droit à l’université d’Édimbourg, l’IIPA cherche donc à stigmatiser les pays faisant le choix de migrer vers des solutions open source. Ainsi, des pays comme le Brésil, l’Inde, les Philippines, le Vietnam ou encore la Thaïlande doivent être placés ou maintenus dans le rapport spécial 301 géré par le représentant américain au commerce.
Mais qu’est-ce que le rapport spécial 301 ? C’est un document chargé de faire le point sur « la pertinence et l’efficacité des droits de propriété intellectuelle » à travers le monde. Concrètement, il se présente sous la forme d’une liste de pays que le gouvernement américain considère comme « problématiques ». Et de prendre des mesures si cela s’avère nécessaire. Et lorsque de tels intérêts économiques sont en jeu, les précautions oratoires d’usage lorsqu’on s’adresse à un pays ami et allié ne pèsent plus grand chose.
Il y a deux ans, la MPAA avait recommandé à Barack Obama, alors en course pour la présidentielle, de prendre des mesures strictes contre l’Espagne. Le lobby jugeait alors que le pays ne luttait pas suffisamment contre le piratage. Ces dernières années, l’Espagne n’avait en effet pas envoyé les signaux attendus du côté de Hollywood. En effet, les juges espagnols avaient considéré successivement que l’utilisation de logiciels de P2P est légale en Espagne, tout comme les sites de liens P2P. Même chose pour le Canada, qui s’était vu reprocher sa frilosité devant la contestation de la société civile, en repoussant une législation identique à la DADVSI.
D’ordinaire donc, le rapport spécial 301 permet de recenser les pays ayant une législation un peu faible en matière de droit d’auteur. Mais comme l’explique Andres Guadamuz sur son blog, l’IIPA tente désormais de rajouter des pays favorisant un peu trop les FOSS (Free Open Source Software), au détriment des bonnes vieilles solutions propriétaires (et payantes).
Ainsi, l’IIPA a protesté auprès du représentant américain au commerce, en expliquant que « certains de ces pays ont promulgué ou vont adopter des lois qui vont rendre obligatoire l’utilisation de logiciels open source dans les institutions publiques« , interdisant de fait aux solutions propriétaires de concourir pour décrocher un marché.
Bien que le libre bénéficie d’une popularité bien plus importante que le propriétaire, est-ce pour autant une bonne idée d’imposer tel ou tel type de logiciel ? Pas pour Andres Guadamuz. Selon le professeur de droit, « forcer les institutions à utiliser une solution technique spécifique est erronée. L’open source est un mouvement organique, qui va de la base jusqu’au sommet. En faire une politique d’État n’est pas seulement contre-productif, mais c’est tout simplement contraire aux principes mêmes portés par le logiciel libre. L’open source ne doit pas être imposé, il doit s’imposer par son propre mérite« .
Mais est-ce vraiment le cas ? Ces pays cherchent-ils vraiment à imposer quoi que ce soit ? En ce qui concerne l’Indonésie, l’IIPA note que « le gouvernement indonésien a diffusé une circulaire dans tout le pays qui approuve l’utilisation et l’adoption de logiciels open source au sein des organismes gouvernementaux« . Cette migration vers des solutions libres et gratuites doit permettre « une réduction globale des coûts en logiciels« . Rien ne semble ici évoquer la moindre obligation. Le gouvernement indonésien cherche à réduire ses dépenses : s’il encourage vivement l’utilisation des FOSS (Free Open Source Software), il ne cherche cependant pas à les imposer.
Mais l’International Intellectual Property Alliance a une toute autre lecture de la situation. « Alors que l’IIPA n’a pas de problème avec l’un des objectifs de la circulaire, à savoir la « réduction du piratage des logiciels », la politique du gouvernement indonésien telle qu’elle est précisée dans ce document affaiblit tout simplement l’industrie du logiciel et porte atteinte à sa compétitivité à long terme, en favorisant artificiellement les sociétés offrant des solutions open source (logiciels et services connexes)« .
Une curieuse interprétation de l’IIPA, mais qui en dit long sur ses objectifs inavoués. L’IIPA ne souhaite pas entrer en concurrence avec des solutions libres, qui ont peut-être plus de chances de décrocher un marché ou de séduire un utilisateur. Pour éviter que cela ne se produise, la coalition cherche donc manifestement à stigmatiser les pays faisant le choix du libre.
Plusieurs sociétés sont parvenus à bâtir un modèle économique basé sur l’Open Source Software (OSS). Nous pourrions citer par exemple WordPress, qui est un système de gestion de contenu, RedHat, une société éditant des distributions Linux, ou encore Canonical qui soutient certains projets libres, comme Ubuntu.
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