Initié depuis maintenant plus de trois ans, le projet de traité international anti-contrefaçon (ACTA) a longtemps été préparé dans l’ombre. Cependant, un document juridique de l’Union européenne a rappelé que si un certain degré de confidentialité peut être invoqué, celui-ci ne doit pas obstruer l’accès du Parlement européen aux informations et aux documents.

Souvenez-vous. Le 10 mars dernier, le Parlement européen envoyait un message très clair aux négociateurs de l’ACTA en adoptant une résolution par 663 voix contre 13. Dans celle-ci, les eurodéputés appelaient à la levée immédiate du secret entourant les documents liés au projet d’accord international, et à limiter au maximum l’impact du traité sur le droit européen. Sans s’opposer au traité en soi, le Parlement européen souhaitait avant tout vérifier le respect des acquis communautaires, notamment ceux concernant les procédures d’application des droits d’auteur dans l’environnement numérique.

Devant la grogne des députés, la Commission européenne a fait des pieds et des mains pour affirmer que jamais l’ACTA ne changera quoi que ce soit au droit européen. Pas question, donc, d’imposer des mécanismes comme la riposte graduée ou la responsabilité renforcée des fournisseurs d’accès à Internet. « Personne n’a jamais proposé la riposte graduée, et nous ne l’accepterions pas« . Même son de cloche du côté du Conseil de l’Union européenne, interrogé par l’eurodéputée socialiste Françoise Castex :

« Le Conseil peut assurer l’Honorable Parlementaire que l’acquis de l’UE comme les engagements internationaux contractés par l’UE et ses membres dans le cadre d’accords internationaux existants sont dûment pris en compte par l’UE lorsqu’elle négocie les différents chapitres » du traité. « Le Conseil prend note des assurances qui lui ont été données par le représentant de la Commission lors de la session plénière de Strasbourg du 9 mars 2010 selon lesquelles (l’ACTA) doit rester et restera conforme à l’acquis communautaire et une législation d’application ne sera pas nécessaire« .

Cependant, nous avions relevé la présence d’une phrase absolument pas anodine, formulée par le Conseil suite à la publication officielle du texte sous la pression continue de la société civile et aux nombreuses fuites qui ont émaillé l’existence du traité : « nous espérons que cette décision des partenaires à la négociation, qui ne constitue pas un précédent pour d’autres négociations commerciales, prévient le Conseil, contribuera à fournir aux citoyens, à la société et aux parlements des informations plus ouvertes et plus complètes« .

Or, le maintien du secret absolu autour du traité international était manifestement illégal. Du moins, vis-à-vis du Parlement européen. Preuve en est, l’existence d’un document juridique (.pdf) qui explique que les négociateurs n’étaient pas autorisés à maintenir le secret sur les documents liés à l’ACTA. En d’autres termes, ils auraient dû être transparents et informer régulièrement le Parlement européen. Ils en avaient l’obligation.

Trois points, relevés par Mike Masnick, sont particulièrement éloquents :

  • La confidentialité ne peut pas être invoquée comme justification pour ne pas respecter l’obligation de tenir le Parlement européen pleinement informé. Si un certain degré de confidentialité est justifié pour garantir le bon déroulement des négociations, le Conseil européen et la Commission européenne peuvent demander que la procédure d’accord sur la confidentialité des documents soit appliquée. (point 21)
  • L’obligation d’informer le Parlement européen ne peut être modifiée ou limitée par un accord entre les institutions ou par un arrangement avec des tiers qui ne sont pas associés au Parlement. Lorsque des documents proviennent d’un tiers, le négociateur de l’Union européenne peut être amené à ne pas divulguer ces informations sans le consentement du tiers concerné. Dans de telles circonstances, le Parlement devrait cependant être tenu au courant avec des informations suffisantes. (point 23)
  • Dans le cas d’un refus persistant de lui fournir des informations suffisantes, le Parlement européen peut engager une procédure (point 27)

En l’occurrence, il n’est pas certain que le Parlement européen tente une quelconque action. Cependant, le document a le mérite de rappeler que les négociateurs ont le devoir d’informer le Parlement. Qu’importe l’existence d’un accord de non-divulgation ou de confidentialité, même signé par la Commission européenne, celui-ci ne doit pas avoir d’effet vis-à-vis des parlementaires.

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