Désigné par le président de la République François Hollande pour devenir le premier président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), Francis Delon était auditionné ce mardi matin par la commission des lois du Sénat, dans le cadre de la validation parlementaire de sa nomination. Même si sa candidature au poste clé du contrôle du Renseignement pose questions quant à son indépendance, il s'agissait comme prévu d'une audition d'une grande courtoisie et de pure forme, qui précède de quelques heures celle que M. Delon donnera cet après-midi à l'Assemblée nationale. Les deux chambres seront alors invitées à voter pour confirmer dans une forme de plébiscite parlementaire le choix du chef de l'Etat.
Ancien conseiller d'Etat qui a exercé pendant 15 ans des fonctions auprès de chambres du contentieux, également investi dans la fonction consultative du Conseil d'Etat, Francis Delon a exercé diverses responsabilités dans des cabinets ministériels, fut conseiller juridique du représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à New-York, avant de devenir le secrétaire général de la Défense nationale. Un poste de très haut niveau qui l'a amené à connaître les services de renseignement, et qui pourrait donc le conduire à plus de compréhension que nécessaire dans la délivrance des "autorisations" (en fait des avis consultatifs) demandées par les agents.
Une expérience que Francis Delon a bien sûr présenté comme autant d'atouts. "Je sais que mon parcours peut faire douter de mon indépendance. Mais connaissance [des services de renseignement] ne veut pas dire connivence", a-t-il assuré, en disant sa loyauté au président de la République mais "évidemment pas au services de renseignement".
PROMESSE D'UN CONTRÔLE RENFORCÉ
Pour exercer la présidence de la CNCTR, il faut "une bonne connaissance des enjeux de sécurité nationale et des techniques de renseignement", a plaidé Francis Delon en rappelant qu'il avait eu sous ses ordres l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI), ce qui lui aurait permis "d'acquérir une solide connaissance des enjeux de sécurité intérieure et d'appréhender une bonne connaissance des technologies" de renseignement dont il aura à juger de la proportionnalité.
"Je veux relever le défi d'exercer un contrôle renforcé par rapport à celui exercé par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)", remplacée par la CNCTR, a-t-il expliqué. "La loi a donné plus de moyens aux services de renseignement, la contrepartie c'est plus de contrôle. C'est un élément clé, et il faut s'assurer que c'est effectivement le cas".
Ainsi, "j'apporterai un soin particulier au contrôle de l'algorithme qui nourrit beaucoup d'inquiétude" a-t-il promis au sujet des très contestées boîtes noires censées détecter les comportements terroristes sur les réseaux des FAI ou des hébergeurs. Il veut le faire "en m'appuyant sur le membre de la Commission nommé par le président de l'Arcep, et sur les ingénieurs qui viendront renforcer la commission".
"PAS DE RAISON DE DOUTER DU GOUVERNEMENT"
Très poliment chahuté sur la question des moyens qui seraient à la disposition de la CNCTR pour exercer effectivement ses contrôles censés protéger les Français contre les atteintes disproportionnées à leur vie privée, Francis Delon s'est voulu optimiste face au "flux de demandes qui va croître très substantiellement". "La volonté du gouvernement est de donner à la CNCTR ces moyens. Il n'y a aucune raison d'en douter. C'est l'intérêt du gouvernement qu'il y ait un contrôle effectif. La responsabilité politique [d'abus du Renseignement] porter sur le Premier ministre [qui délivre les autorisations aux services]. Je n'ai pas de doute là dessus".
"Je ne voudrais pas que mes paroles soient prises pour de la naïveté, mais je n'ai pas d'inquiétude sur la capacité de la CNCTR à obtenir des moyens". Il estime que "les conditions juridiques et politiques sont réunies" pour que la Commission puisse exercer effectivement ses contrôles des services de renseignement pour mettre un terme aux éventuelles dérives.
PAS DE SAISINE SYSTÉMATIQUE DU CONSEIL D'ÉTAT EN CAS D'ABUS
Enfin, un point très important de la politique voulue par Francis Delon porte sur les garanties juridicitionnelles apportées aux citoyens. La loi donne en effet pour la première fois à la CNCTR et à son président la possibilité de saisir le Conseil d'Etat si le gouvernement décide de ne pas suivre ses recommandations, et de mettre en oeuvre des techniques de renseignement d'une manière trop attentatoire à la vie privée.
Sur cet aspect, Francis Delon a manié l'ambiguïté avec art. S'il assure qu'il n'aura "aucun état d'âme" à saisir la juridiction pour qu'elle impose au Premier ministre de cesser une surveillance illicite, il a estimé qu'il n'était "pas souhaitable qu'il y ait de nombreux avis défavorables" émis par la CNCTR aux demandes du gouvernement, et encore moins de saisines du Conseil d'Etat en cas de passage en force.
"Je ne voudrais pas que l'épicentre du contrôle [des services de renseignement] bascule du côté juridictionnel" plutôt que du côté administratif, a-t-il expliqué. En clair, moins il y aura de juges dans la boucle, mieux tout le monde se portera. Sauf, peut-être, les citoyens dont la vie privée n'est pas respectée.
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