C’est une bien étrange situation qui entoure l’accord commercial anti-contrefaçon. Si les négociateurs de l’ACTA semblent être conscients du manque de transparence autour du texte, dès qu’il s’agit d’évoquer son contenu ou de demander l’ouverture du débat à la société civile, ces mêmes personnes semblent soudainement bien moins volontaristes…

Mine de rien, le débat sur l’Accord commercial anti-contrefaçon, plus connu sous son acronyme anglophone ACTA, commence à investir progressivement la place publique. Hier, nous évoquions par exemple la colère de Françoise Castex, députée européenne et contre-rapporteur du rapport Gallo à la commission juridique du Parlement Européen, jugeant « inadmissible » l’opacité des négociations.

Aujourd’hui, nous avons également appris qu’Europe Ecologie a décidé de se saisir du sujet à son tour. Sandrine Bélier, également euro-députée, s’est associée avec la tête de liste du mouvement politique en Gironde, Marie Bové, pour fustiger la manière dont sont organisés les « débats ». « Il est tout ce que nous détestons » ont-elles notamment écrit dans un blog bordelais de Libération.

Or, à mesure que le ton monte du côté des parlementaires du monde entier (comme Nicolas Dupont-Aignan en France, mais d’autres politiques à l’étranger ont également réagi, comme aux États-Unis ou en Suède) ou des associations de défense des libertés individuelles (rappelons à ce sujet l’initiative de la Quadrature du Net, avec un wiki spécialement dédié à l’ACTA), les négociateurs du texte essaient tant bien que mal de garder le contrôle de la situation.

On se souvient ainsi des déclarations du représentant américain au commerce, Ron Kirk, qui expliquait que si la question de la transparence est un vrai sujet, sa mise en œuvre est dans les faits assez délicate. Selon lui, si le texte est dévoilé trop tôt, cela pourrait contraindre certains négociateurs à « quitter précipitamment la table » alors même que l’accord est loin d’être finalisé (même si les grandes lignes sont déjà connues), un comble ! Le négociateur américain a même osé rappeler que le contenu du texte sera rendu lorsqu’il « sera terminé« . C’est la moindre des choses !

Même son de cloche du côté de la Commission européenne. Pedro Valesco-Martins, l’un des membres de la direction générale du commerce (D.G. Trade), s’est rapidement montré très flou lorsqu’il a fallu entrer dans le vif du sujet, à savoir le contenu de l’ACTA. Mais cela ne l’a pas empêché de rappeler le caractère absolument vital d’un tel traité pour l’avenir de l’Union européenne. Evidemment.

Dernièrement, c’est Stan McCoy, l’assistant du représentant américain au commerce pour toutes les questions touchant à l’innovation et la propriété intellectuelle, qui est allé au charbon, afin d’apporter sa contribution à la vaste entreprise visant à démystifier les fausses déclarations et rumeurs entourant l’ACTA. Selon lui, l’accord commercial anti-contrefaçon a mauvaise presse à cause des ragots qui circulent sur Internet. Or, le texte n’aurait pas d’autres objectifs que la propriété intellectuelle, rien de plus.

Sauf que les déclarations de Ron Kirk, Pedro Valesco-Martins et Stan McCoy n’ont qu’une valeur toute relative. Personne n’ayant accès au coeur de l’ACTA, il est impossible et inimaginable d’accorder un quelconque crédit aux assurances apportées par ces différentes personnes. Comme le note Mike Masnick, de Techdirt, c’est presque l’effet inverse qui s’est produit. Alors que tout le monde semblait s’accorder sur le problème – un manque de transparence -, les différents responsables ont semblé encore plus mystérieux et évasifs sur le contenu de l’ACTA.

Peut-être serait-il temps de cesser les déclarations vides de sens, en joignant l’acte à la parole par exemple. Il est grand temps de lever le sceau du secret autour de l’ACTA.

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