C’était l’une des vingt-deux propositions du rapport Zelnik remis à Frédéric Mitterrand le 6 janvier dernier. Pour convaincre les jeunes de revenir dans des circuits de consommation légaux, la commission présidée par Patrick Zelnik a voulu manier la carotte plutôt que le bâton, en évoquant la création d’une « carte de musique » financée pour moitié par l’Etat et permettant d’acquérir légalement de la musique sur les plates-formes de contenus.
Dès le lendemain, l’idée avait été reprise par Nicolas Sarkozy qui, lors de ses voeux au monde de la culture, lançait à l’auditoire qu’il était essentiel de « réhabituer les jeunes à acheter leur musique« . Mieux encore, le président de la République, loin de suivre les timides recommandations de la mission Zelnik qui avançait le chiffre de 50 euros par carte (soit un investissement de l’Etat dans le dispositif à hauteur de 25 millions d’euros par an), affirmait qu’il fallait voir les choses en grand, en proposant des cartes d’une valeur faciale de 100 euros.
Sauf que les choses ont peut-être été vues dans des proportions un peu trop grandes à l’Elysée. D’une part, la valeur de la carte se révèle être trois fois plus élevée que le montant estimé d’une licence globale (bien loin des estimations fantaisistes de Pascal Nègre), et d’autre part un hypothétique succès d’un tel dispositif pourrait gréver durablement le budget de l’Etat. D’où la mise en place de certains mécanismes pour freiner ou bloquer cette opération.
D’ailleurs, dès la mise en place de l’appel d’offres, le ministère de la culture a préféré revoir les prétentions présidentielles à la baisse en présentant la carte musique jeune avec une valeur faciale maximale de 50 euros. Ainsi, l’Etat ne débourserait que 25 euros dans l’affaire, ce qui représente un coût quatre fois moins important que la somme évoquée par Nicolas Sarkozy début janvier. Et pour éviter tout problème, le ministère demanda la mise en place d’un mécanisme permettant « de stopper l’attribution de codes et de subventions lorsque le budget total alloué par l’Etat à l’opération aura été atteint« .
Seulement, cela soulevait deux problèmes, l’un d’ordre juridique l’autre l’ordre moral. D’une part, cette politique du « premier arrivé, premier servi » semble soulever un problème d’égalité des citoyens devant une opération subventionnée par l’Etat. Le Conseil d’Etat, en cas de saisie, pourrait alors sanctionner le dispositif mis en place par le gouvernement pour ouvrir une nouvelle ligne de crédit pour le milieu culturel. D’autre part, l’image des valeurs de la République semble écornée. On préfère s’attaquer aux citoyens qui ont transformé leurs façons de profiter de la culture plutôt que de toucher aux finances publiques.
Manifestement, l’Elysée semble de moins en moins enclin à vouloir participer au projet. Selon Les Echos, le gouvernement chercherait à impliquer les fournisseurs d’accès à Internet dans la mécanique de financement, en augmentant l’assiette de la TVA actuellement en vigueur. En effet, à l’heure actuelle, le chiffre d’affaires (CA) des opérateurs est soumis à deux taxes différentes. La première moitié du CA est à 19,6 % de TVA tandis que l’autre n’est qu’à 5,5 %. En effet, cette dernière profite d’une taxe allégée dans la mesure où cette partie du CA est liée aux chaines de télévision des offres triple-play.
Or, en remontant la seconde TVA de 5,5 à 19,6 %, le gouvernement pourrait récupérer entre 60 et 80 millions d’euros par an. Une manne financière inespérée, permettant de maintenir l’une des préconisations du rapport Zelnik, d’autant plus que Nicolas Sarkozy s’était lui-même engagé en soutenant ouvertement cette disposition.
Pour les FAI en revanche, c’est une bien mauvaise nouvelle, et une énième taxe qui s’ajoute pour financer des industries aux modèles économiques moribonds. Car à côté de cette taxation, il faut compter celle sur l’audiovisuelle ainsi que la COSIP (COmpte de Soutien à l’Industrie des Programmes), qui concerne l’industrie cinématographique.
La situation est d’autant plus injuste que l’UFC-Que Choisir avait rappelé aux parlementaires, lors des débats sur la loi Hadopi, que l’industrie musicale se porte bien mieux que prévu. Peut-être même un peu trop bien pour certains. Le rapport 2009 de la Cour des comptes souligne l’incroyable rémunération de certains responsables des ociétés de gestion collective de droits d’auteur et droits voisins.
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